L'empathie en psychothérapie [À lire]
Synthèse détaillée de la formation de Benoit Demonty, psychologue, disponible sur le site web de formationspsy (H4 Éditions, partenaire de : Éducation & Famille - Université de Mons)
> Tarif pour le téléchargement de ce livre : 4.90€
[Extrait de la synthèse]
Identification, projection et empathie : des concepts à distinguer
Demonty insiste sur la nécessité de distinguer trois concepts souvent confondus : l’identification, la projection et l’empathie.
- L’identification repose sur un point de référence centré sur soi : l’individu se demande ce qu’il aurait fait à la place de l’autre, sans décentration. Bien qu’elle implique un partage émotionnel, elle reste centrée sur sa propre perspective.
- La projection, selon Olivier Chambon, implique une reconnaissance de l’autre, mais en attribuant à celui-ci ses propres ressentis. La projection considère que l’autre ressent ce que « moi, je ressens ».
- L’empathie, quant à elle, suppose une reconnaissance de la différence : deux vécus, deux univers, et une tentative de comprendre la construction du monde de l’autre sans y coller ses propres ressentis.
Ces distinctions fondamentales permettent d’éclairer les mécanismes en jeu dans nos réactions face aux autres, qu’il s’agisse d’individus ou de groupes.
Les obstacles à l’empathie : stéréotypes, distance et accusations
À travers des exemples, Benoit Demonty illustre les obstacles à l’empathie. Il cite notamment les tweets polémiques de Donald Trump pour démontrer comment les stéréotypes et la mise en avant des différences culturelles ou sociales (par exemple, entre les États-Unis et le Mexique) alimentent un manque d’empathie. L’utilisation des généralisations et des accusations, selon lui, est un frein majeur. Ces mécanismes étaient également au cœur des génocides historiques, où la perception de l’autre comme massivement différent ou dangereux a été instrumentalisée.
Demonty souligne que l’empathie se manifeste plus facilement envers ceux qui nous ressemblent. À l’inverse, plus la distance (culturelle, sociale, économique) est grande, moins l’empathie a de chances de s’exprimer.
L’empathie cognitive : un second niveau de réflexion
L’empathie, explique Demonty, ne se limite pas à une réaction affective instinctive. Il distingue deux niveaux d’empathie :
- L’empathie affective, qui est une réponse émotionnelle immédiate, souvent non réfléchie.
- L’empathie cognitive, qui consiste à prendre du recul sur cette première réaction pour intégrer des informations supplémentaires et ajuster son point de vue.
En analysant des commentaires sur des événements tragiques, comme la mort de Naya Rivera ou l’agression d’un enfant par un chien, Demonty montre que l’absence d’empathie cognitive se traduit souvent par des jugements accusateurs ou des insultes. L’empathie cognitive permettrait, au contraire, de comprendre les réactions initiales et de les moduler.
L’empathie envers les animaux et les robots : un décalage inquiétant ?
Demonty observe un phénomène croissant dans la société : le développement d’une empathie plus forte envers les animaux – et potentiellement les robots – qu’envers les êtres humains. Il met en garde contre les implications éthiques et sociales de ce phénomène. Les robots, conçus pour détecter et répondre aux émotions humaines, pourraient susciter un attachement émotionnel au détriment des relations humaines, complexes et imparfaites.
De même, certaines personnes manifestent une empathie exacerbée pour les animaux, parfois supérieure à celle qu’ils éprouvent pour d’autres êtres humains. Selon Demonty, ce déséquilibre soulève des questions sur l’évolution des relations interpersonnelles et de la cohésion sociale.
Benoit Demonty sur l’empathie cognitive et les dynamiques de manipulation
Benoit Demonty illustre la complexité de l’empathie cognitive à travers l’analyse du livre Les yeux rouges de Myriam Leroy. Cet ouvrage relate une expérience personnelle de cyberharcèlement, mettant en lumière comment un manipulateur a su exploiter une empathie cognitive pour établir un lien insidieux.
L’agresseur, décrit comme habile et perspicace, identifie rapidement une fragilité dans le passé de la victime, qu’il utilise pour créer une proximité émotionnelle. Cependant, cette relation devient progressivement intrusive et malsaine, mettant en évidence les dangers d’une fausse empathie. Demonty souligne également les résonances émotionnelles du lecteur face au récit : une alternance entre compassion pour la victime et frustration face à son enfermement dans un rôle passif. Ce ressenti révèle les défis de l’empathie cognitive, qui nécessite un recul face à nos premières réactions émotionnelles.
La réflexion littéraire sur l’empathie envers des figures criminelles
Dans un autre registre, Demonty évoque son propre ouvrage, La longue nuit de l’humanité, dans lequel il explore l’empathie envers un criminel. Ce personnage, bien que détestable, suscite une forme de proximité chez le lecteur grâce à la présentation de son passé, ce qui le distingue des autres figures tout aussi odieuses du récit.
Cette approche amène une réflexion plus large : qu’est-ce qui nous rend empathiques envers des individus moralement répréhensibles ? Selon Demonty, la proximité émotionnelle joue un rôle clé. Ce mécanisme littéraire met en lumière l’influence des récits sur notre capacité à ressentir de l’empathie.
Empathie collective et initiatives sociétales
Demonty aborde également des initiatives sociétales visant à développer l’empathie collective. Parmi celles-ci, le mouvement Occupy Wall Street de 2011, qui a mis en place des « tentes d’empathie » pour sensibiliser les participants aux inégalités sociales et renforcer les liens avec des populations éloignées. Ces ateliers d’« activisme empathique » illustrent une application pratique de l’empathie dans des contextes de militantisme social.
Il cite également le feuilleton rwandais Mussekeweya (« Un nouveau jour »), créé après le génocide des Tutsis pour promouvoir la compréhension entre Hutus et Tutsis. Ce programme met en scène des familles des deux groupes ethniques, soulignant leurs besoins communs pour réduire les distances perçues et prévenir la violence. Si aucune évaluation officielle de son efficacité n’a été réalisée, cette initiative témoigne de l’impact potentiel de l’empathie dans la réconciliation post-conflit.
Les racines de l’empathie : un programme éducatif
Un autre exemple marquant est le programme canadien Les racines de l’empathie, destiné aux enfants de 5 à 12 ans. Ce projet invite des classes à suivre le développement d’un bébé et de ses parents sur une année, avec des activités visant à aider les enfants à se projeter dans les besoins du nourrisson. Ce processus de décentration, selon Demonty, renforce non seulement l’empathie mais diminue également le harcèlement scolaire, améliore les relations parents-enfants et favorise la coopération. Les résultats d’évaluations réalisées en Écosse montrent des effets positifs, notamment une réduction de 55 % du harcèlement scolaire.
Ces expériences démontrent que l’empathie, loin d’être un trait figé, peut être cultivée à travers des initiatives ciblées.
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