La paranoïa [À lire]
Synthèse détaillée de la formation de Nicolas Sajus, psychologue, disponible sur le site web de formationspsy (H4 Éditions, partenaire de : Éducation & Famille - Université de Mons)
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[Extrait de la synthèse]
Introduction à la Paranoïa : Perspective Historique et Évolution
Nicolas Sajus explique que la compréhension de la paranoïa ne peut être dissociée du contexte historique et sociétal dans lequel elle se développe. En effet, les troubles psychopathologiques reflètent souvent les mutations d'une société et constituent parfois une réponse à des événements spécifiques. Dans ce cadre, la paranoïa, bien que connue depuis longtemps, est historiquement désignée comme un "délire de persécution" par les aliénistes français, tels que Lassegne au XIXe siècle. Son origine peut être retracée dans certaines formes de mélancolie sévère, connues pour être caractérisées par une tristesse et une dépression intense, que Philippe Pinel désignait sous le terme de "délires partiels". Ces classifications initiales incluaient également la notion de monomanie, avec des personnalités particulièrement obsessionnelles, décrites par Esquirol, où la persécution apparaissait comme l'une des manifestations les plus fréquentes.
Les Délires Systématisés et la Structure Paranoïaque
Sajus poursuit en expliquant que François Leray a mis en évidence une distinction entre les délires incohérents et les délires systématisés. Dans le cas des délires systématisés, ceux-ci s’organisent de manière logique et s’inscrivent dans une réalité cohérente. Les individus présentant une structure paranoïaque peuvent ainsi paraître parfaitement adaptés dans leurs interactions, bien que leurs perceptions et leur jugement soient altérés. Cette structure de personnalité paranoïaque, que l'on retrouve dans les classifications modernes telles que le DSM-5 et la CIM, s’inscrit dans le registre de la psychose. La psychose implique un rapport au réel modifié, et la paranoïa en constitue une forme spécifique, où le délire est structuré de façon logique.
Le Développement de la Paranoïa au XIXe et XXe Siècles
En Allemagne, au XIXe siècle, Griesinger décrit la paranoïa comme une condition indépendante de causes externes ou d’états morbides antérieurs, un terme qu’il utilisa pour la première fois en 1863 pour désigner des troubles de l'entendement. Par la suite, Kraepeling différencie la paranoïa des démences précoces et définit le développement de ce trouble comme un délire systématique, durable et incoercible, s’installant avec une conviction inébranlable chez l’individu. Selon Kraepeling, le sujet paranoïaque conserve une clarté et un ordre dans sa pensée et ses actions, malgré l’influence envahissante de son délire.
La Paranoïa Aujourd'hui : Une Structure Psychique Durable
Pour Sajus, la paranoïa peut se définir aujourd’hui comme une structuration psychique de type psychotique et chronique. Elle s’accompagne d'un délire organisé, systématisé et s’inscrivant dans la réalité de manière cohérente, tout en incluant des troubles de perception et de jugement. De plus, il souligne que certaines personnes avec un potentiel intellectuel élevé peuvent présenter un trouble paranoïaque, ce qui distingue ce profil des autres formes de psychose par la conservation d’une certaine lucidité apparente. La distinction entre personnalité paranoïaque et délire paranoïaque est essentielle : la première se manifeste par des traits de personnalité persistants, tandis que le second inclut des thèmes délirants spécifiques.
Épidémiologie et Sémiologie de la Paranoïa
Sajus indique que la personnalité paranoïaque touche entre 0,5 et 2,5 % de la population générale, représentant jusqu’à 30 % des personnes hospitalisées en psychiatrie. Cette personnalité se caractérise par une grande sensibilité à la frustration, un refus de l'excuse et une tendance à la rancune. Les individus paranoïaques manifestent également une méfiance marquée envers les autres, interprétant les actions et paroles d’autrui de manière souvent hostile. Ce trait interprétatif conduit à une rigidité psychique et à une cristallisation sur des objets ou des personnes perçues comme hostiles.
Traits de la Personnalité Paranoïaque
Les individus présentant une personnalité paranoïaque montrent une hypertrophie de l'ego, avec un besoin important de valorisation, souvent masqué par des inhibitions. Leur susceptibilité élevée aux échecs et aux préjudices vécus se traduit par une revendication de droits perçus comme légitimes, mais souvent en décalage avec la réalité. Ces traits de personnalité, tels que la rigidité, la cristallisation sur autrui et l’interprétation déformée des événements, définissent le profil paranoïaque et expliquent la persistance de ce trouble dans la dynamique relationnelle et psychique des sujets.
Les Délires Paranoïaques : Typologie et Manifestations
Nicolas Sajus présente les délires paranoïaques comme des états délirants chroniques, qui se développent fréquemment chez des individus présentant des troubles de la personnalité, sans que cela soit une condition nécessaire. Il note que trois principales catégories de délires paranoïaques existent : les délires passionnels, les délires d'interprétation et les délires de relation. Statistiquement, les hommes sont plus touchés, sauf dans le cas des délires érotomaniaques, où l’on observe un ratio d’un homme pour dix femmes. Par ailleurs, les conduites addictives, en particulier l'alcool et le cannabis, sont souvent associées à ces troubles.
Les Délires Passionnels : Jalousie, Revendication et Érotomanie
Sajus explique que les délires passionnels apparaissent de manière brutale, souvent initiés par une intuition délirante ou une interprétation erronée, s’enrichissant progressivement d’interprétations multiples. Ce type de délire est caractérisé par des thématiques précises, telles que la jalousie, la revendication et l’érotomanie. Dans le cas du délire de jalousie, il souligne que l'ère numérique, avec l’omniprésence des téléphones portables et des réseaux sociaux, exacerbe ces dynamiques. La jalousie devient alors pathologique, entraînant des comportements intrusifs et d'investigation (surveillance, décortication des messages) et une interprétation déformée des événements comme des preuves irréfutables d’infidélité. Sajus note également que ces comportements peuvent être aggravés par la consommation de substances comme le cannabis, qui majore les troubles paranoïaques et les comportements agressifs.
Le délire de revendication, quant à lui, se manifeste par une volonté incoercible de faire triompher une demande que la société refuse de satisfaire. Les individus présentant ce délire possèdent la conviction d'avoir raison et se considèrent de bonne foi, sans remettre en question la validité de leur affirmation. Cette catégorie inclut des délires de filiation, des croyances mystiques, des mégalomanies et des revendications de réparation injustifiées. Ces délires ont un impact significatif sur le plan socioprofessionnel des individus concernés.
Enfin, l’érotomanie, étudiée par Clérambault, consiste en une illusion délirante où le sujet se croit aimé par une personne inaccessibile, souvent de statut social supérieur. Sajus précise que cette forme de délire, touchant principalement les femmes, évolue en trois phases : l’espérance, la déception et la rancune. Ce délire entraîne des comportements intrusifs, des menaces et peut mener à des violences graves si le délire persiste.
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