Discours enraçinés, Discours délirants, par Boris Cyrulnik [À lire]

Synthèse détaillée de la formation de Boris Cyrulnik, psychiatre, disponible sur le site web de formationspsy (H4 Éditions, partenaire de : Éducation & Famille - Université de Mons)

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[Extrait de la synthèse]

Boris Cyrulnik sur les Récits Enracinés et la Résilience

Dans cette première partie, Boris Cyrulnik explore la notion de « récits enracinés » et la résilience, en s'appuyant sur des exemples concrets pour illustrer les parallèles entre la nature, l'agriculture, et la psychologie. Il commence par expliquer que la résilience, telle qu'il la comprend, est un concept qui prend racine dans la terre, dans la pratique des agriculteurs, avant de devenir une notion psychologique.

Cyrulnik précise : « Les agriculteurs ont été les premiers à utiliser le mot résilience. Pour eux, un sol est résilient lorsque, après un traumatisme tel qu'une inondation ou un incendie, une autre forme de vie peut y réapparaître. » Il décrit un incendie spectaculaire survenu à Toulon en 1974, lors duquel la région a été ravagée par le feu. Pourtant, après quelques années, de nouvelles formes de vie ont émergé. Les chênes ont remplacé les pins, et une diversité de plantes et d’animaux a repeuplé la région. Cette transformation reflète, selon lui, une résilience propre à la nature.

La Résilience : Entre Métallurgie et Psychologie

Cyrulnik critique l'utilisation du terme « résilience » dans le domaine de la métallurgie, où il désigne la capacité d'une barre de fer à résister à une pression jusqu'à sa rupture. « Ce n’est pas la résilience, c'est de la résistance », clarifie-t-il. Pour lui, la résilience, en psychologie, ne se résume pas à une résistance statique ; il s'agit d'un processus dynamique de reprise et de transformation après un traumatisme.

La Parole et les Comportements : Influence de la Biologie et de la Culture

Abordant la question des différences comportementales entre filles et garçons, Cyrulnik évoque les travaux montrant que ces différences peuvent être à la fois biologiques et culturelles. « Il y a un déterminisme biologique, c'est évident », dit-il, tout en soulignant que les interactions sociales, les stéréotypes de genre, et les influences culturelles jouent également un rôle important. Selon lui, les petites filles développent souvent des comportements de communication émotionnelle, alors que les garçons tendent davantage vers des comportements physiques et agressifs, en partie en raison des attentes et des rôles sociaux auxquels ils sont soumis.

La Mémoire et la Perception des Images Traumatisantes

Cyrulnik expose aussi une expérience menée avec des étudiants, montrant l'impact des commentaires verbaux sur la mémoire. Il explique qu’un groupe d’étudiants ayant été exposé à des images choquantes sans commentaire se souvenait principalement des aspects horribles des images. En revanche, ceux qui avaient discuté des images de manière plus poétique et positive se souvenaient davantage de ces aspects. Cette expérience illustre comment la parole peut transformer la perception et la mémoire, en fonction du contexte narratif qui lui est associé.

Cet extrait met en évidence la manière dont Cyrulnik associe les concepts de résilience et de récit enraciné à des éléments à la fois scientifiques, poétiques et pratiques, en créant des ponts entre des disciplines variées comme la psychologie, l’agriculture, et la neurologie.

Boris Cyrulnik et l'Impact de la Parole sur la Mémoire et les Perceptions

Boris Cyrulnik poursuit son exploration des récits enracinés en analysant l'impact de la parole sur la mémoire et les perceptions. Il partage une expérience réalisée avec Michel Delage, au cours de laquelle un étudiant provoque volontairement un scandale pendant une session de cours. Ce qui est frappant, c'est la diversité des souvenirs et des interprétations des autres étudiants un mois après l’incident. Certains se souviennent de détails totalement erronés, comme un casque de moto que l’étudiant n’a jamais porté. « Chacun se souvient du scandale selon sa propre perception et son contexte personnel, » explique Cyrulnik, soulignant comment la mémoire peut être malléable.

Récits Enracinés : Un Savoir Pratique

Cyrulnik différencie le « savoir enraciné », que l’on trouve dans des métiers pratiques comme celui de l’agriculteur, du savoir scientifique, qui peut parfois être déconnecté des réalités concrètes. Les femmes travaillant dans la petite enfance, par exemple, savent instinctivement qu'un bébé qui pleure différemment est peut-être en souffrance, sans avoir besoin d’analyses techniques. Ce savoir enraciné contraste avec des pratiques scientifiques historiques qui ont parfois manqué de discernement, comme la lobotomie, ayant pourtant reçu un prix Nobel.

Les Effets des Guerres Modernes sur le Psychisme des Soldats

Cyrulnik aborde aussi les effets psychotraumatiques des conflits modernes. Dans les guerres passées, les soldats savaient d’où venait l’ennemi, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui avec des attaques imprévisibles, telles que des attentats-suicides. « Les jeunes soldats sont formés physiquement et techniquement, mais l'absence d'un ennemi visible accentue l'angoisse, » explique-t-il. À l’hôpital Sainte-Anne de Toulon, des psychiatres militaires ont constaté que les soldats qui écrivent des lettres après une mission développent moins de symptômes post-traumatiques. L’écriture, souligne Cyrulnik, permet de remanier la représentation du réel, offrant une forme de contrôle et d’élaboration de l’expérience vécue.

L’Écriture comme Exercice de Résilience

Cyrulnik met en avant l'importance de l'écriture pour la résilience psychologique. « Dans la parole écrite, l'auteur est seul avec lui-même. Il doit structurer ses pensées, imaginer son interlocuteur et reformuler sa perception des événements, » explique-t-il. Selon lui, cet acte de mise en mots aide à reformuler le traumatisme, à le « labourer », tout comme un agriculteur transforme son sol pour permettre une nouvelle vie. L'écriture devient ainsi un processus de guérison, un « ex laborer » ou un travail du psychisme.

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