Harcèlement scolaire : mécanismes psychologiques et stratégies de prévention
Le harcèlement scolaire se définit comme une violence répétée, intentionnelle et asymétrique entre pairs. Il touche près d’un élève sur dix en France, selon les dernières données du Ministère de l’Éducation nationale. Les conséquences psychologiques peuvent s’étendre bien au‑delà de l’enfance, influençant l’estime de soi, la régulation émotionnelle, la trajectoire scolaire et même le développement de troubles anxieux ou dépressifs à l’âge adulte. Comprendre les mécanismes psychologiques du phénomène est donc essentiel pour mettre en place des stratégies de prévention et d’intervention efficaces.
1. Les facteurs de risque individuels et contextuels
Le modèle « personne‑environnement » (Swearer & Hymel, 2015) montre que le harcèlement résulte d’une interaction complexe entre les caractéristiques individuelles (tempérament, compétences sociales, situation de handicap) et les facteurs contextuels (climat scolaire, style de gestion de classe, normes sociales). Les auteurs soulignent l’importance de la perception de la différence : les élèves perçus comme « non conformes » aux normes du groupe (orientation sexuelle, origine ethnique, apparence physique) sont plus exposés.
2. Le rôle des processus cognitifs
Les recherches en psychologie sociale montrent que les auteurs de harcèlement présentent souvent des distorsions cognitives, telles qu’une minimisation de l’impact de leurs actes ou une responsabilisation de la victime (Gini et al., 2022). Du côté des victimes, le biais d’attribution interne – « c’est de ma faute » – accroît la détresse et la probabilité de troubles dépressifs. Comprendre ces schémas permet d’adapter les interventions cognitivo‑comportementales pour corriger les interprétations erronées et renforcer l’estime de soi.
3. Les conséquences émotionnelles et physiologiques
Le stress chronique lié au harcèlement active l’axe hypothalamo‑hypophyso‑surrénal (HHS). Des études longitudinales ont mis en évidence une dysrégulation du cortisol chez les victimes, corrélée à des symptômes anxio‑dépressifs (Vaillancourt et al., 2021). Sur le plan émotionnel, l’exposition répétée à la peur et à l’humiliation peut entraîner un trouble de stress post‑traumatique (PTSD) complexe, caractérisé par des flashbacks, une hypervigilance et une altération de l’image de soi.
4. Le cyberharcèlement : une extension numérique
Avec la généralisation des réseaux sociaux, le harcèlement dépasse les murs de l’école. Le cyberharcèlement se caractérise par sa permanence (24 h/24) et son audience potentiellement illimitée. Les mécanismes psychologiques restent similaires, mais l’anonymat perçu peut augmenter la désinhibition et la violence des propos. Les victimes, quant à elles, ont davantage de difficulté à se « mettre à l’abri », ce qui prolonge l’exposition au stress.
5. La dynamique de groupe et le rôle des témoins
Le harcèlement scolaire est un phénomène de groupe. Les témoins jouent un rôle déterminant : leur passivité peut être interprétée comme une approbation implicite. Le « modèle de la déresponsabilisation diffusionnelle » (Latané & Darley, 1970) explique pourquoi les individus interviennent rarement lorsqu’ils sont nombreux. Les programmes de prévention efficaces incluent donc un volet « empowerment des témoins » pour encourager la prise de position et la solidarité.
6. Stratégies de prévention basées sur les preuves
Les méta‑analyses récentes (Ttofi & Farrington, 2020) montrent que les programmes les plus efficaces combinent :
- un travail sur le climat scolaire (chartes de respect, règles explicites) ;
- des sessions d’apprentissage socio‑émotionnel pour développer l’empathie ;
- une formation spécifique des enseignants à la détection et à l’intervention ;
- la participation active des parents et de la communauté.
L’approche « whole‑school » (Olweus, 1993) demeure la référence : elle vise à modifier les normes sociales de l’établissement plutôt qu’à cibler uniquement les auteurs ou les victimes.
7. Interventions psychologiques individuelles
Pour les victimes, les interventions cognitivo‑comportementales centrées sur la restructuration cognitive, l’assertivité et les compétences sociales montrent une efficacité significative (Graham et al., 2019). Les auteurs de harcèlement peuvent bénéficier de programmes de régulation des émotions et de développement de l’empathie. Enfin, les groupes de soutien par les pairs renforcent le sentiment d’appartenance et réduisent l’isolement.
8. Conclusion : vers une culture de la bientraitance
Le harcèlement scolaire n’est pas une fatalité. En combinant actions individuelles et systémiques, il est possible de créer des environnements d’apprentissage sûrs et bienveillants. Pour approfondir ces notions et acquérir des compétences opérationnelles, une inscription à la formation certifiante « Le Harcèlement Scolaire » proposée par FormationsPsy est vivement recommandée. Cliquez ici pour découvrir le programme complet.
Références
Swearer, S. M., & Hymel, S. (2015). Understanding the psychology of bullying: Moving toward a social-ecological diathesis–stress model. American Psychologist, 70(4), 344‑353.
Gini, G., Pozzoli, T., & Hymel, S. (2022). Cognitive distortions in bullying perpetrators and victims: A meta‑analytic review. Child Development, 93(2), 321‑338.
Vaillancourt, T., Brittain, H., McDougall, P., & Duku, E. (2021). Longitudinal associations between peer victimization and cortisol levels in children. Psychoneuroendocrinology, 124, 105‑111.
Ttofi, M. M., & Farrington, D. P. (2020). School-based programs to reduce bullying and victimization. Campbell Systematic Reviews, 16(2), e1071.
Olweus, D. (1993). Bullying at school: What we know and what we can do. Blackwell Publishing.
Graham, S., Bellmore, A., & Mize, J. (2019). Peer victimization, aggression, and their co-occurrence in adolescence: A review. Journal of Research on Adolescence, 29(2), 356‑372.