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Le génogramme : un outil systémique pour comprendre les dynamiques familiales
Depuis son introduction par Murray Bowen dans les années 1970, le génogramme s’est imposé comme un instrument incontournable pour cartographier les liens, les loyautés et les transmissions intergénérationnelles au sein des familles. Bien plus qu’un simple arbre généalogique, il offre une représentation visuelle des relations affectives, des événements de vie majeurs et des répétitions transgénérationnelles. Utilisé en thérapie systémique, en conseil conjugal, en travail social ou encore dans le champ médico‑social, il favorise une compréhension globale des dynamiques familiales et ouvre la voie à des interventions plus ciblées.
Pourquoi le génogramme est-il si puissant ? D’abord parce qu’il rend visible l’invisible. Les schémas de communication, les alliances, les conflits non résolus ou les deuils bloqués se dévoilent sous forme de symboles et de lignes. Cette externalisation facilite la prise de conscience des membres de la famille, réduit la culpabilité individuelle et redonne du pouvoir d’action. Ensuite, le génogramme permet de repérer des cycles de vie et des répétitions (par exemple, des grossesses précoces ou des ruptures à une même période du cycle familial), offrant au praticien un point d’entrée précis pour l’intervention.
Les éléments clés à cartographier : dates de naissance et de décès, unions et séparations, maladies chroniques, addictions, migrations, secrets de famille, traumatismes et rôles assignés. Chaque information est codifiée par un symbole normalisé (carrés pour les hommes, cercles pour les femmes, lignes continues ou pointillées pour qualifier la qualité du lien). L’emploi d’une légende commune garantit la lisibilité et la transmission du document entre professionnels.
Un outil au service de la collaboration. Le génogramme n’est pas réservé au seul professionnel : il se construit avec la famille. Cette co-construction renforce l’alliance thérapeutique et stimule la métacognition des participants. En retraçant ensemble l’histoire familiale, chacun accède à une lecture partagée des épreuves et des ressources, condition essentielle pour amorcer le changement.
Applications cliniques multiples : repérage de facteurs de risque (suicide, violence, addictions), soutien à la parentalité, accompagnement des familles adoptives, préparation à la PMA ou au don de gamètes, travail autour des maladies génétiques ou chroniques, etc. Dans le champ de la santé mentale, il aide à comprendre la fonction d’un symptôme au sein du système familial et à identifier les ressources négligées.
Intégrer la dimension culturelle. Le modèle du cultural genogram (Hardy & Laszloffy, 1995) rappelle l’importance d’inclure la dimension culturelle, religieuse et identitaire. Symboliser les langues parlées, les migrations ou les pratiques spirituelles enrichit l’analyse et prévient les biais ethnocentriques.
Le génogramme à l’ère du numérique. Des logiciels spécialisés et des applications en ligne permettent de créer des génogrammes interactifs, de partager des mises à jour en temps réel et d’intégrer des données multimédias (photos, vidéos, documents médicaux). Ces outils facilitent la collaboration interprofessionnelle et la continuité des soins, mais nécessitent une vigilance accrue quant à la protection des données personnelles.
Limites et précautions. Comme tout outil, le génogramme comporte des limites. Il peut raviver des souvenirs douloureux ou des conflits latents. Le praticien doit donc créer un cadre sécurisant, respecter le rythme des participants et veiller à la confidentialité. De plus, l’interprétation doit rester hypothétique : les corrélations repérées ne sont pas toujours causales.
Vers une intervention ciblée. Une fois les répétitions et les loyautés identifiées, le praticien peut proposer des tâches thérapeutiques adaptées : rituels de séparation, lettres symboliques, rencontres intergénérationnelles ou encore réécriture de l’histoire familiale. Le génogramme devient alors un véritable catalyseur de changement.
Conclusion. Outil à la fois simple et profond, le génogramme offre une lecture systémique indispensable pour comprendre la complexité des liens familiaux. Sa richesse réside dans sa capacité à faire dialoguer le passé, le présent et le futur, ouvrant ainsi la voie à des interventions plus pertinentes et plus humaines.
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Références
Bowen, M. (1978). Family therapy in clinical practice. Jason Aronson.
McGoldrick, M., Gerson, R., & Petry, S. (2008). Genograms: Assessment and intervention (3rd ed.). W. W. Norton & Company.
Hardy, K. V., & Laszloffy, T. A. (1995). The cultural genogram: Key to training culturally competent family therapists. Journal of Marital and Family Therapy, 21(3), 227‑237. https://doi.org/10.1111/j.1752-0606.1995.tb00161.x
Knauth, D. G. (2003). Using family genograms to teach genetics and health. Nurse Educator, 28(1), 13‑17. https://doi.org/10.1097/00006223-200301000-00006
Pedersen, R. P. (2019). Digital genograms: Integrating technology into systemic assessment. Journal of Family Therapy, 41(2), 147–164. https://doi.org/10.1111/1467-6427.12224
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